mercredi 23 octobre 2013

Quelle antisepsie pour les peaux saines ?

Pose de Voie Veineuse Périphérique - Image Google.
Un très bonne article publié sur le site de la SFAR qui devrait faire avancer nos pratiques en matière d'antisepsie de la peau saine pour la pose des KT périphériques et centraux.

Pr Olivier MIMOZ & Dr Leila LAKSIRI
 Réanimation Chirurgicale
CHU de Poitiers
INSERM U1070 « Pharmacologie des Agents anti-infectieux »
 
 
Une antisepsie sur peau saine est réalisée avant la pose d’un cathéter vasculaire ou péridural, avant une incision chirurgicale ou avant une ponction vasculaire ou péri-nerveuse. Même si des particularités existent entre ces différentes situations, toutes partagent le même risque infectieux lié à la présence de bactéries dans les couches superficielles de la peau. L’antisepsie a pour but de détruire le maximum de bactéries avant l’acte invasif (opératoire ou non) et ainsi de réduire la fréquence des complications infectieuses.
  
  1. Faut-il faire une préparation cutanée en quatre temps ?
La France est le seul pays à recommander une préparation cutanée en quatre temps (lavage avec un savon antiseptique de la zone opératoire, rinçage avec des compresses et de l’eau stérile, séchage avec des compresses stériles avant application de l’antiseptique). Pourtant, les études réalisées en chirurgie montrent que la préparation du champ opératoire par antisepsie seule est aussi efficace que la préparation par détersion puis antisepsie cutanée.1-3 A l’inverse, la réalisation d’une détersion est onéreuse en raison du temps passé et des produits nécessaires à la réaliser, ce qui explique sa remise en cause par certains professionnels dans un contexte budgétaire des établissements de soin souvent déficitaires et d’une surcharge de travail du personnel paramédical. Ainsi, la version révisée de la conférence de consensus « gestion préopératoire de l’opéré » ne recommande plus la réalisation systématique d’une détersion lorsque la peau n’est pas souillée.
 
References
  1. Ellenhorn JD, et al. Paint-only is equivalent to scrub-and-paint in preoperative preparation of abdominal surgery sites. J Am Coll Surg. 2005; 201:737-41.
  2. Zdeblick TA, et al. Preoperative use of povidone iodine. A prospective randomized study. Clin Orthop Relat Res. 1986; 213: 211-5.
  3. Gilliam DL, et al. Comparison of a one-step iodophor skin preparation versus traditional preparation in joint surgery. Clin Orthop Relat Res. 1990; 250: 258-60.
 
  1. Quel antiseptique utiliser ?
L’utilisation d’une formulation aqueuse d’un antiseptique est contre indiquée sur la peau saine en raison de son manque d’efficacité.1 Seules les formulations alcooliques doivent être utilisées. Deux familles d’antiseptiques sont disponibles : celle à base de povidone iodée (disponible en France à la seule concentration de 5%) et celle à base de chlorhexidine (disponible à la concentration de 0,25%, 0,5% et 2%). Il existe peu de données comparant l’efficacité de la chlorhexidine en fonction de sa concentration. On peut néanmoins s’attendre à une efficacité au minimum identique des produits à concentration élevée par rapport à ceux aux concentrations plus faibles.
Lorsqu’elle est utilisée seule, la chlorhexidine est plus efficace que la povidone iodée. Ainsi, dans une étude publiée dans The Lancet, l’utilisation d’une solution aqueuse de chlorhexidine à 2% réduit d’un facteur 4 le nombre d’infections locales et d’un facteur 5 le nombre de bactériémies par rapport à l’utilisation d’une solution aqueuse de povidone iodée à 10%.2 Ces résultats ont été confirmés dans une seconde étude.3 Ces données montrent que l’efficacité antiseptique intrinsèque de la chlorhexidine est supérieure à celle de la povidone iodée.
L’association de l’alcool à la chlorhexidine ou à la povidone iodée est synergique. Bien que les données comparant l’efficacité de ces formulations alcooliques soient encore peu nombreuses, elles sont toutes en faveur de l’utilisation de la chlorhexidine. Une première étude randomisée ayant inclus 481 cathéters veineux centraux a ainsi montré que l’utilisation d’une solution contenant de la chlorhexidine (pourtant concentrée à seulement 0,25%) permet une diminution de moitié du risque de colonisation des cathéters par rapport à l’utilisation d’une solution alcoolique de povidone iodée à 5%.4 Une diminution non significative des bactériémies a également été observée, mais le nombre de patients inclus dans l’étude était insuffisant pour répondre à cette question. Une seconde étude de type avant-après comparant les mêmes antiseptiques ont confirmé ces résultats.5 Enfin, un troisième travail présenté lors du congrès ICAAC en 2012 a conclu que le passage d’une préparation cutanée en quatre temps avec une solution alcoolique de povidone iodée à 5% à celle en un temps avec une solution alcoolique colorée de chlorhexidine à 2% (Chlorhaprep®) s’accompagne d’une diminution significative du nombre de cathéters colonisés et non significative du nombre de bactériémies.6 
Des résultats concordants ont été rapportés lors de l’antisepsie cutanée précédant un acte chirurgical.7 Dans un essai randomisé ayant inclus 866 patients de chirurgie réglée au Royaume-Uni, le nombre d’infections du site opératoire a été réduit de 33%  par l’utilisation d’une chlorhexidine alcoolique à 0,5%. Cette supériorité est confirmée par deux études ayant comparé le taux de cultures positives après application sur le pied ou l’épaule de chlorhexidine alcoolique à 2% ou de povidone iodée alcoolique à 7%.8,9
La supériorité de la chlorhexidine sur la povidone iodée s’explique de différente façon : son action est faiblement inhibée par les protéines présentes sur la peau, ce qui n’est pas le cas avec la povidone iodée ;  son activité dans le temps (rémanence) est maintenue de façon bien plus prolongée.
 
Références
  1. Mimoz 0. Chlorhexidine is better than aqueous povidone iodine as skin antiseptic for preventing surgical site infections. Infect control Hospit Epidemiol 2012;33:961-2.
  2. Maki DG, et al. Prospective randomised trial of povidone-iodine, alcohol, and chlorhexidine for prevention of infection associated with central venous and arterial catheters. Lancet. 1991; 338: 339-43.
  3. Vallés J, et al. Prospective randomized trial of 3 antiseptic solutions for prevention of catheter colonization in an intensive care unit for adult patients. Infect Control Hosp Epidemiol. 2008; 29: 847-53.
  4. Mimoz O, et al. Chlorhexidine-based antiseptic solution vs alcohol-based povidone-iodine for central venous catheter care. Arch Intern Med. 2007; 167: 2066-72.
  5. Girard R, et al. Alcoholic povidone-iodine or chlorhexidine-based antiseptic for the prevention of central venous catheter-related infections: in-use comparison. J Infect Public Health. 2012; 5: 35-42.
  6. Parienti JJ et al, ICAAC 2012.
  7. Berry AR, et al. A comparison of the use of povidone-iodine and chlorhexidine in the prophylaxis of postoperative wound infection. J Hosp Infect. 1982; 3: 55-63.
  8. Ostrander RV, et al. Efficacy of surgical preparation solutions in foot and ankle surgery. J Bone Joint Surg Am. 2005; 87: 980-5.
  9. Saltzman MD, et al Efficacy of surgical preparation solutions in shoulder surgery. J Bone Joint Surg Am. 2009; 91: 1949-53.
 
  1. Quels sont les effets indésirables des antiseptiques ?
La tolérance cutanée des antiseptiques est excellente, une dermite de contact étant observée chez moins de 0,3% des patients, sans différence entre les produits antiseptiques utilisés.1 Rapportés au nombre important de patients exposés, les cas de chocs anaphylactiques rapportés dans la littérature sont de survenue exceptionnelle. L’utilisation de larges volumes d’une solution diluée de povidone iodée pour irrigation (« sérum bétadiné ») n’est pas recommandée en raison de son inefficacité anti-infectieuse et du risque de défaillance polyviscérale liée à la résorption de la povidone.2
La résistance à la chlorhexidine a été rarement rapportée malgré une large utilisation depuis plus de 50 ans.3 Elle se manifeste par une augmentation des CMI mais qui reste largement inférieure aux concentrations utilisées ; D’autre part, des données expérimentales rapportent une résistance croisée possible avec les antibiotiques. Les conséquences cliniques de ses observations sont inconnues. Des contaminations de flacons multidoses de povidone iodée par des bactéries résistantes ont aussi été rapportées,4,5 ce qui justifie l’usage de solutions stériles d’antiseptiques en conditionnement monosoin.
 
Références
  1. Caumes E, et al. Clinical tolerance of cutaneous antiseptics in 3,403 patients in France. Ann Dermatol Venereol. 2006 ;133:755-60.
  2. Lakhal K, et al. Povidone iodine: features of critical systemic absorption. Ann Fr Anesth Reanim. 2011;30:e1-3.
  3. Milstone AM, et al. Chlorhexidine: expanding the armamentarium for infection control and prevention. Clin Infect Dis. 2008;46:274-81.
  4. Berkelman RL, et al. Pseudobacteremia attributed to contamination of povidone-iodine with Pseudomonas cepacia. Ann Intern Med 1981;95:32-6.
  5. Welch JS. Bottle contamination. Anesthesiology. 1999;90:327-9.
 
  1. En pratique, que faire ?
De nombreux travaux ont été consacrés ces 20 dernières années pour optimiser l’antisepsie cutanée. Même s’ils présentent des limites, ils montrent tous une inutilité de la préparation cutanée en 4 temps et une supériorité de la chlorhexidine sur la povidone iodée. Ainsi, les recommandations anglaises1 et américaines2 proposent d’utiliser en première intention pour les soins des cathéters une formulation alcoolique de chlorhexidine à une concentration supérieure à 0,5%, sans détersion préalable. Il est temps que ces recommandations traversent l’atlantique. Les résultats de l’étude CLEAN (attendus pour 2014),3 une étude multicentrique randomisée française comparant chez 2400 patients de réanimation une formulation alcoolique de povidone iodée ou de chlorhexidine avec ou sans détersion pour les soins des cathéters, devraient permettre de clore les débats. Enfin, même s’ils sont plus onéreux, l’utilisation de solutions stériles d’antiseptiques en conditionnement monosoin devrait être privilégiée pour éviter les contaminations par des bactéries devenues résistantes.
 
 
Références
  1. Pratt RJ, et al. epic2: National evidence-based guidelines for preventing healthcare-associated infections in NHS hospitals in England. J Hosp Infect. 2007;65 Suppl 1:S1-64.
  2. O’Grady NP, et al. Summary of recommendations: Guidelines for the prevention of intravascular catheter-related infections. Clin Infect Dis 2011; 52:1087–99.
  3. Goudet V, et al. Comparison of four skin preparation strategies to prevent catheter-related infection in intensive care unit (CLEAN trial): a study protocol for a randomized controlled trial. Trials 2013;14:114.
 
 
Conflits d’intérêt:
Honoraires et/ou bourses de recherche des laboratoires suivants (par ordre alphabétique) : 3M, AstaMedica (devenu Viatris puis Meda Pharma), Nicholas (devenu  Roche-Nicholas puis Bayer HealthCare), Cardinal Health (devenu CareFusion) et Janssen Cilag.
 
Source : www.sfar.org

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