samedi 4 juillet 2015

Y-a-t-il un IADE dans le SMUR ?

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Dernièrement, les réseaux sociaux se sont affolés. En "toile de fond", des infirmiers crées une association revendiquant la création d'une spécialité d'Infirmier Urgentiste, et de l'autre, le Syndicat National des Infirmiers Anesthésistes (SNIA) qui publie un document mettant en relief de la nécessité de repositionner les Infirmiers Anesthésistes (IADE) dans les SMUR. Dans cette "foire à l'empoigne", le législateur lui, se montre bien muet, alors que les textes législatifs sont en faveurs des IADE concernant le préhospitalier. Mais alors, sans verser dans la paranoïa, qui pourrait bien en vouloir aux IADE?

Le dictionnaire est un outil formidable !
 
De par son usage, il nous permet d'accéder à la compréhension des mots qui nous font défaut. Tenez, par exemple, le mot dictionnaire, il est définit par Le Robert Illustré comme :"Nom, masculin, recueil contenant des mots, des expressions d'une langue, présentés dans un ordre convenu, et qui donne des définitions, des informations sur eux ... Le dictionnaire de langue, donnant des renseignements sur les mots de la langue commune et leurs emplois ..." Ainsi, dès lors qu'un mot devient une source d'interrogation, celui-ci devient notre meilleur allier ; en un mot, il devient notre Bible Lexicale !
 
Depuis peu, un mot semble faire défaut à certains. En effet, une branche du milieu paramédical est secouée par des infirmiers exerçants dans les services d'urgences et/ou Service Mobile d'Urgences et de Réanimation (SMUR). Ceux-ci réclament un formation liée à leurs spécificité (la médecine d'urgence) via une formartion spécialisée d'Infirmier Urgentiste ; d'ailleurs, ceux-ci ont créé une association : les INfirmiers Smur et Urgences Finalement Ligués (INSUFL). La réaction ne tarda pas à venir du SNIA qui publiait un document dans lequel il était rappelé que cette formation existait déjà et qu'elle se déroulait dans les Ecoles d'Anesthésies qui délivrent le Diplôme d'Etat d'Infirmier Anesthésiste. Il s'agit là de rappeler le rôle de l'IADE dans la médecine d'urgence pré-hospitalière et surtout, de ré-insister sur l'article R4311.10 du Code de Santé Publique (art. R4311.10) qui précise le caractère prioritaire de l'emploi de l'IADE au sein d'une équipe SMUR sur les Infirmiers de soins généraux (non spécialisé à l'urgence - réanimation - anesthésie - SMUR).
 
Et c'est là qu'entre en scène notre Bible lexicale ! .
 
En effet, elle se doit d'intervenir car, ce que je viens de vous résumer en quelques lignes, est un débat qui a toujours été dans ce milieu de l'Urgence pré-hospitalière. L'IADE apporte-il une plus-value en SMUR ? Un IDE est-il apte à travailler en SMUR avec sa formation initiale en poche ? IADE ou IDE en SMUR ? Bref ... Ces questions animent depuis toujours les réseaux sociaux, au même titre que l'Infirmier Sapeurs-Pompiers (ISP), qui pratique la Médecine d'Urgence pré-hospitalière via la mise en œuvre de Protocoles Infirmiers de Soins d'Urgence (PISU) hors présence médicale. Je vous renvoi d'ailleurs à mon article écrit sur le sujet. Mais revenons à notre leçon de français voulez-vous ?
 
Le mot sujet à crispation (ou plutôt devrais-je dire, dont certains ont oublié la signification) est "priorité". Selon le Robert Illustré, il se définit ainsi : "Qualité de ce qui vient, passe en premier, dans le temps ; en priorité, en premier lieu ... Droit de passer en premier ; priorité à droite, laisser la priorité à un véhicule" ; il possède de nombreux synonymes également : préemption, avantage, préférence, primauté, préséance, privilège, avant tout, premièrement.
 
La "priorité" consiste donc en un acte de laisser passer avant tout quelque-chose ou quelqu'un. Par exemple, il est attendu de la part des étudiants infirmiers, la qualité de prioriser leurs actions dans l'exécution de leurs soins. Pour atteindre cette objectif, l'étudiant devra mettre en œuvre un processus d'analyse précis de la situation donnée, afin d'en dégager un ou plusieurs problème(s). Puis, en analysant le caractère spécifique du ou des problème(s), il pourra, en se basant sur son savoir théorique et ses connaissances, en déduire des actions de soins qu'il pourra classifier par ordre de "priorité". Ce classement, il l'effectuera selon la complexité de réalisation du soins par exemple, ou bien encore selon l'urgence de la situation, selon sa dextérité à l'accomplir. Bref, cela repose sur : les connaissances, l'enseignement et la pratique de celui-ci.
 
Pour reprendre l'article R.4311.10 du CSP (qui reconnaît l'IADE comme prioritaire à l'IDE dans la constitution d'une équipe SMUR), le législateur a décidé de donner à l'IADE la primauté d'exercice dans une équipe SMUR par rapport à ses collègues IDE non spécialisés. Son choix s'est porté sur les connaissances (pratiques et théoriques), l'enseignement (cursus universitaire, diplôme d'état, spécialisation reconnue) et la pratique (parcours professionnelle, années d'exercices) du personnel idéal. L'IADE est ce personnel idéal.
 
Mais alors, pourquoi la polémique enfle-t-elle, si l'IADE est reconnue par la Loi ? Plusieurs éléments sont à prendre en considération pour pouvoir répondre à cette question :
  • Socio-professionnelle : Les IADE sont aujourd'hui environs 8000 sur le territoire français. La réalité de ce chiffre, montre une première difficulté dans la possibilité de les positionner de facto, dans tous les SMUR de France et de Navarre. Les établissements de santé hébergeant des SMUR en ont-ils la volonté et les moyens ?
 
  • Economique : L'activité primordiale pour un établissement de soins est une activité qui permet des rentrées financières pérennes. Celles-ci sont, en grande partie, liée aux actes opératoires et d'anesthésies (chirurgie, radiologie interventionnelle, endoscopie). Pour les soignants, la "priorité" concernera la qualité des soins (rôle de la Direction des soins et des Cadres de Santé); pour l'Administration, un bilan comptable au plus juste équilibre. L'un n'allant pas sans l'autre, et la santé financière de nos établissements hospitaliers étant ce qu'elle est, on peut comprendre que la "priorité", pour un Directeur d'établissement de soins, sera d'assurer ces activités lui permettant une certaine rentabilité. L'IADE, possédant une exclusivité de compétence dans l'Anesthésie, ne peut être remplacé à son poste par un faisant fonction ( à l'instar des IBODE). Imaginez maintenant un établissement possédant des blocs opératoires et un SMUR. La solution la plus simple (et la moins onéreuse en terme de masse salariale) pour le chef d'établissement, sera de positionner des IDE du Service des Urgences au SMUR , selon la logique des pôles, et tout en "respectant" la législation sur l'emploi du personnel infirmier au sein d'une équipe SMUR ( exit le mot "priorité").
 
  • Politique de Service : Par héritage historique, certains SMUR sont dotés en personnel IADE; d''autres s'en séparent. Pourquoi ? Par simple décision du Directeur d'Etablissement et/ou du Chef de Service auquel le SMUR est rattaché. Vous comprendrez alors que, souvent, ce qui motive cette décision relève plus de facteurs économiques que d'efficience dans la qualité des soins et de la strict application du mot "priorité". Ne pas l'appliquer comme le recommande le CSP, est bien moins dangereux que de ne pas l'appliquer au volant de sa voiture !
 
  • L'activité intrinsèque des SAMU : Historiquement, les SAMU ont été créé en réponse à la surmortalité liée à l'accidentologie routière des années 60 ; la pathologie dominante était d'ordre traumatique. Aujourd'hui, il en est tout autre ! En effet, avec le vieillissement de la population, les progrès de la Médecine moderne, le développement de l'Industrie Pharmaceutique, l'évolution technique des véhicules (airbag, utilisation de matériaux composite et abandon de la tôle, etc....) et une politique volontariste en terme de prévention et de sécurité routière, les motifs de recourt au SAMU ont évolué de l'accidentologie vers les pathologies purement médicales (on peut d'ailleurs aisément considérer aujourd'hui que 70% des interventions SMUR concerne des pathologies médicales ne relevant pas de l'Urgence Vitale mais plutôt d'une consultation médicale). Cette transformation de l'activité c'est accompagnée, en parallèle, d'une modernisation du matériel biomédicale embarqué dans les véhicules du SMUR, permettant d'initier précocement la prise en charge médicale hospitalière de terrain du patient. Les filières de soins se sont elles-aussi développées permettant son admission direct dans un service spécialisé en rapport avec sa pathologie dominante (ex: les Unités de Soins Intensifs de Cardiologie pour la prise en charge d'un Syndrome Coronarien Aigu), en shuntant les service des urgences. Au final, la prise en charge du patient a été améliorée par la modernisation des moyens techniques d'investigations, de télémédecine et de soins embarqués (échographes portables, examens de biochimie, Dispositif Intra-Osseux, ...), les soins invasifs se sont limités à un usage strictement nécessaire, ainsi que par le développement des filières de soins spécialisées et l'application de procédures de soins standardisés reconnues (conférence de consensus, recommandations internationales, études scientifiques, protocoles).
 
  • Le personnel paramédical : L'effet direct de la modernisation et de la transformation de l'activité des SAMU, "standardise" la prise en charge du patient et l'insert dans un schéma typique connu de tous les acteurs des secours préhospitalier. Si cela peut avoir un effet bénéfique sur le temps de prise en charge, cela peut aussi être source d'erreur par le caractère répétitif de la procédure ; la monotonie dans l'exécution de la procédure "endort" l'opérateur si rien ne vient la rompre. Ces opérateurs sont les infirmiers qui sont devenus pourvoyeur de gestes techniques ( pose de voie veineuse, réalisation d'électrocardiogramme, glycémie capillaire, etc. ...) . Les IADE eux, sont devenus les techniciens spécialistes du "back-up", le fameux "on sait jamais si faut reprendre la main". Mais alors, comment rompre cette monotonie si 70% des interventions SMUR concerne des pathologies strictement médicales dont le caractère ne relève pas de l'urgence avérée et où l'équipe applique des procédures standardisées ? Cette question ouvre un nouveau débat ; celui de la nécessité de créer un échelon intermédiaire para médicalisé (à l'image des ISP) au sein même des SAMU. Ce n'est que dans ce cas précis, qu'une formation spécifique peut s'entendre. Les IADE ont déjà une spécialisation à la Médecine d'Urgence pré-hospitalière, les IDE en auront certainement besoin.

Aussi, comprenons-nous bien, une formation spécifique diplômante à destination des IDE sera nécessaire à condition que les SAMU (et nos Institutions) valident la généralisation de la Para médicalisation des secours (ce qui est fait chez les Sapeurs-Pompiers). Dans le cas contraire, les formations internes régulières suffisent à maintenir les acquis de chacun.
 
A des fins économiques, les IADE considèrent (à juste titre), que le mot "priorité" a été littéralement et délibérément ignoré depuis de trop nombreuses années par nos dirigeants hospitaliers et ministres de la santé successifs. Les doléances des IDE membres de l'INSUFL, réclamant notamment une formation spécifique à l'urgence pré-hospitalière s'entendent, mais finalement, ne sont que la traduction évidente de la nécessité de la présence de paramédicaux formés et spécialisés ; aujourd'hui, et depuis toujours, se sont les IADE. Les IDE ont raisons de réclamer une formation, mais elle ne pourra se faire que si les responsables des SAMU de France décident de la nécessaire mise en place d'un échelon intermédiaire para médicalisé, à l'image des Infirmiers Sapeurs-Pompiers, titulaires d'un Diplôme Inter-Universitaire de Santé Publique et d'une Formation d'Adaptation à l'Emploi spécifique ; il bénéficie ainsi d'une reconnaissance d'Officier de Santé pouvant mettre en place des Protocoles Infirmiers de Soins d'Urgences (PISU) en intervention, hors présence médicale. Il s'agit là d'une réelle avancée au bénéfice de la population. Les SAMU, en validant la dernière circulaire relative au SAP, reconnaissent la para médicalisation des secours par les Sapeurs-Pompiers. Mais, en seront-ils eux-mêmes capables ? Verrons-nous demain, un infirmier du SMUR, para médicaliser une intervention ?

2 commentaires:

  1. Bonjour,
    Je suis tout à fait d'accord en ce qui concerne la standardisation des procédures. Je suis tout de même un peu surpris du pourcentage d'intervention SMUR qui relèveraient d'une simple consultation médicale: y incluez-vous les douleurs thoraciques et infarctus? Ils ne nécessitent pas une médicalisation lourde, mais de là à dire qu'ils ne constituent pas une urgence... Et si on inclut uniquement les médicalisations lourdes, 30% des interventions est un chiffre très généreux...

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    1. Ce chiffre de 70% peut paraître surprenant mais, au final, est assez représentatif de l'activité des SMUR. Si à l'appel, il est difficile (pour le régulateur), de faire un diagnostic d'IDM sur une douleurs thoracique, au final, un SMUR sera envoyé pour aller faire une levée de doute et procéder à un ECG. Dans la plupart des cas, l'ECG ne révèlera rien de particulier, et le patient sera tout de même transporté aux urgences de secteur pour des examens complémentaires (ou pas). Le réflexe du transport médicalisé entrainera automatiquement la pose d'une voie veineuse (on ne transporte sans VVP dans un SMUR), ce qui fera considérer que le patient est grave (or la réalité est tout-autre). Le problème est qu'aucune étude a été réalisé sur la pertinence de l'engagement des SMUR. Le quotidien des équipes SMUR aujourd'hui est, dans la majorité des cas, la prise en charge de pathologies nécessitant une consultation médicale non urgente.
      Pour la douleurs thoraciques, les protocoles infirmiers de soins d'urgences sapeurs-pompiers, font intervenir la télétransmissions d'ECG au SAMU ; il s'agit là d'une réelle avancée et faisant intervenir le SMUR sur un IDM confirmé et déjà pris en charge par l'ISP sur le plan de la douleurs et la possibilité d'injecter un anti-plaquettaire (sur prescription téléphonique).
      Si je devais répartir les interventions, je dirais : 70% d'interventions étiquetées comme non urgente et relevant de la consultation médicale, 20 % d'interventions considérées comme urgentes mais ne relevant pas de la détresse vitale (fracture ouverte de jambe nécessitant antalgie et antibiothérapie, dispensation d'une aérosol médicamenteux dans le cadre d'une crise d'asthme, ...) et enfin, 10 % d'interventions considérées comme grave avec notion d'urgence vitale (IDM instable, AVC avec troubles de la conscience, polytraumatismes, ...).

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